V. L'EGLISE ROMANE SAINT-LAURENT DE HAUT-ITTRE.
I. Le site
Eglise romane dont le clocher était à l'origine une ancienne tour sarrasine. Au fil des siècles, ce bâtiment défensif se mua en lieu de culte et subit de nombreuses modifications. Cet édifice nous offre un bel exemple des différents courants architecturaux : styles roman, gothique, flamboyant ou encore tardif.
Ancienne tour sarrasine.
Nef centrale
Colonne cylindrique en pierre bleue
Saint-Laurent
II. Vie et Martyr de Saint-Laurent
Laurent serait né vers 210 ou 220 en Espagne, à Huesca, au royaume d'Aragon. Son père s'appelait Orence, et sa mère Patience. Afin de compléter ses études humanistiques et liturgiques il fut envoyé, tout jeune encore, dans la ville de Saragosse, où il fit la connaissance du futur pape Sixte II. Ce dernier, originaire de la Grèce, était investi d’une charge d’enseignant dans l’un des plus importants centres d’études de l'époque et, parmi ses maîtres, le pape était l’un des plus connus et des plus appréciés.
Pour sa part, Laurent, qui devait devenir un jour le chef des diacres de l’Église de Rome, s’imposait par ses qualités humaines, par sa délicatesse d’âme et son intelligence. Entre le maître et l’élève s'instaura une communion et une familiarité qui, avec le passage du temps, augmenta et se cimenta ; entre temps, l’amour qu'ils portaient tous les deux pour Rome, centre de la chrétienté et ville-siège du vicaire du Christ, augmenta au point de suivre un flux migratoire alors très intense et de quitter l’Espagne pour la ville où l’apôtre Pierre avait établi sa chaire et rendu le témoignage suprême. C'est donc à Rome, au cœur de la catholicité, que maître et élève purent réaliser leur idéal d’évangélisation et de mission... jusqu’à l’effusion du sang. Lorsque le 30 août de l’année 257, Sixte II monta sur le trône de Pierre - pour un pontificat qui devait durer moins d’un an - , immédiatement et sans hésiter, il voulut à ses côtés son ancien élève et ami Laurent, en lui confiant la charge délicate de proto diacre, premier des sept diacres de l'Église romaine. Il avait, en cette qualité, la garde du trésor de l'église et était chargé d'en distribuer les revenus aux pauvres.
A cette époque l'empereur Valérien publia de sanglants édits contre les chrétiens, et le pape saint Sixte fut une des premières victimes de cette persécution. Le jour où l'on conduisait au supplice le vénérable pontife, Laurent dont le plus ardent désir était d'être associé à son martyre, le suivait en versant des larmes et lui disait : «Où allez-vous, mon père, sans votre fils ? Saint pontifie, où allez-vous sans votre ministre ?» Saint Sixte lui répondit : «Je ne vous abandonne point, mon fils; une épreuve plus pénible et une victoire plus glorieuse vous sont réservées; vous me suivrez dans trois jours».
Après l'avoir ainsi consolé, il lui ordonna de distribuer aux pauvres toutes les richesses dont il était dépositaire, pour les soustraire à la cupidité des persécuteurs. Laurent distribua donc aux indigents tout l'argent qu'il avait entre les mains, puis il vendit les vases et les ornements sacrés, et en employa le produit de la même manière.
Le préfet de Rome, à cette nouvelle, fit venir Laurent et lui demanda où étaient tous les trésors dont il avait la garde, car l'empereur en avait besoin pour l'entretien de ses troupes: «J'avoue, lui répondit le diacre, que notre Église est riche et que l'empereur n'a point de trésors aussi précieux qu'elle; je vous en ferai voir une bonne partie, donnez-moi seulement un peu de temps pour tout disposer.» Le préfet accorda trois jours de délai.
Pendant ce temps, Laurent parcourut toute la ville pour chercher les pauvres nourris aux dépens de l'Église; le troisième jour, il les réunit et les montra au préfet, en lui disant: «Voilà les trésors de l'Église que je vous avais promis. J'y ajoute les perles et les pierres précieuses, ces vierges et ces veuves consacrées à Dieu; l'Église n'a point d'autres richesses».
A cette vue, le préfet entra en fureur, et, croyant intimider le saint diacre, il lui dit que les tortures qu'il aurait à souffrir seraient prolongées et que sa mort ne serait qu'une lente et terrible agonie. Alors ayant ordonné qu'on dépouillât Laurent de ses habits, il le fit d'abord déchirer à coups de fouet, puis étendre et attacher sur un lit de fer en forme de gril, de manière que les charbons placés au-dessous et à demi allumés ne devaient consumer sa chair que peu à peu. Au milieu de ses horribles tourments, le saint martyr, sans faire entendre une plainte, pria pour l'église de Rome. Quand il eut un côté tout brûlé, il dit au juge : "Je suis assez rôti de ce côté, faites-moi rôtir de l'autre." Bientôt, les yeux au Ciel, il rendit l'âme.
Martyr de Saint-Laurent - enluminure d'un ouvrage du XVe siècle
III. Armoiries présentes dans les vitraux
Le premier blason se lit : d'azur à trois annilles d'or
Il s'agit des armoiries du comte Philippe de Brouchoven de Bergeyck.
Le second : de gueules au chef d'argent chargé de trois merlettes du premier
Il s'agit des armoiries de la comtesse Marie-Thérèse d'Ursel.
Le blason se lit : d'or à cinq roses de gueules, boutonnées du champ, placées 2, 1, 2
Armoiries de la famille de Fooz.
Le premier blason se lit comme ci-dessus
Le second : écartelé : en 1 et 4, de gueules à trois croissants d'argent ; en 2 et 3, d'azur à la fasce d'or
Il s'agit des armoiries de la comtesse Jacqueline Worbert van Wassenaer Starrenburg.
Le premier se lit : écartelé : en 1 et 4, de gueules chargé de billettes d'or au lion rampant du même ; au 2 et 3, de gueules à 5 fusées d'argent ; Hainaut ancien brochant en coeur sur le tout
Le second se lit : de gueules au lion rampant d'or à la queue fendue, armé, lampassé et couronné d'argent
IV. Détails d'architecture
Charpente romane
Clé de voute représentant l'agneau mystique, emblème du Christ
Une clé similaire se retrouve notamment dans le porche d'entrée de l'église
de Saint-Symphorien, près de Mons.
Un tel symbole était fréquemment utilisé par l'Ordre de Malte.
V. Les dalles funéraires de l'église
L'inhumation dans les églises remonte au haut Moyen Âge.
Réservée, à l'origine, au haut clergé, elle fut ensuite accordée aux nobles assumant le financement de l'édifice religieux. Puis des paroissiens, bienfaiteurs de l'église, obtinrent la possibilité d'y avoir une tombe familiale. La sépulture dans l'église progressa particulièrement dans la première moitié du XVIIème siècle. On s’efforçait d’obtenir un endroit où la dalle funéraire pourrait être mise en évidence, où elle serait vue de tous.
Pour les moins nantis, l’inhumation au cimetière entourant l'église paroissiale était gratuite. Là aussi, on recherchait les meilleures places : elles se situaient contre l'église et près de la croix, présence obligatoire au milieu du champ des morts.
Des voix s’élevèrent contre la pratique des enterrements dans l’église. Deux arguments importants furent avancés :
- le dallage dans l'église était sans cesse démonté et remis inégalement
- le manque d’hygiène évident d’une telle pratique en raison de la putréfaction des corps dans un endroit clos, à telle enseigne que l’on était parfois obligé de brûler de la résine et du soufre avant les offices pour dissiper les odeurs.
A la fin du XVIIIe siècle, les villes se développèrent d’avantage. Différentes épidémies sévirent et force fut de constater que les inhumations dans les églises et à l’intérieur des villes ne servaient pas la prévention des maladies.
Le décret de l’Empereur Joseph II d’Autriche du 26 juin 1784 interdit d’inhumer dans les églises et dans les villes et ordonna la suppression des cimetières dans l’enceinte des agglomérations . Toutefois, cette décision fut mal perçue et guère appliquée. Il fallut attendre le 12 juin 1804 pour qu’un décret de Napoléon fixa des règles plus strictes qui furent enfin progressivement respectées.
Nous vous présentons ci-dessous quelques dalles funéraires encore visibles dans l'église Saint-Laurent.
Dalle funéraire du curé Levassaulx décédé en 1500
Dalle funéraire du curé Daniel décédé en 1669
Dalle funéraire de Melchior Delcambe décédé en 1689
Dalle funéraire du censier Duchesne (cense du Mortier)
décédé en 1736
VI. Le trésor de l'église
Statues en bois des XV et XVIèmes siècles - Objets du culte du XVIIIème siècle.
Sources :
- Abbé Corneille Stroobant : Notice historique et généalogique sur les seigneurs de Braine-le-Château et Haut-Ittre - Bruxelles 1849
- Vie des Saints, par le R.P. Simon Martin, religieux de l'Ordre des Minimes, Imprimerie de Madame Laguerre, Bar-le-Duc, 1859